La grossesse ne protège pas la femme de la vie. Les imprévus continueront d’arriver. Ses schémas émotionnels l’accompagneront également. Perte d’emploi, déménagements, deuils, séparations peuvent toujours survenir. Si elle avait déjà des difficultés financières, professionnelles, conjugales ou familiales, elles ne disparaîtront pas. Au contraire, elles risquent de s’accentuer, car l’arrivée d’un bébé bouleverse les rôles et la routine de chacun, imposant peu à peu de nouveaux défis dès la grossesse.
Les changements liés à la grossesse ne sont pas seulement physiques (et ils sont déjà immenses !), mais aussi émotionnels. L’image d’une femme épanouie, heureuse et comblée est donc bien éloignée de la réalité, même pour celles qui traversent leur grossesse sans aucun trouble. En plus d’être une période spéciale, avec tout ce que cela implique de positif et de négatif, c’est aussi un moment propice à l’apparition de la dépression et d’autres troubles mentaux. Pourtant, il est possible de les prévenir ou, au moins, de poser un diagnostic précoce afin de limiter les conséquences pour la mère et le bébé.
Au moins 10 femmes sur 100 présentent une dépression gestationnelle. 20 sur 100 présentent une dépression post-partum, qui découle généralement de dépressions gestationnelles non identifiées. C'est pourquoi le DSM V envisage déjà de modifier la terminologie pour parler de "dépression périnatale", qui couvre toute la période. Que nous montrent ces données ? Que c'est une phase de la vie de la femme où elle est plus susceptible de souffrir de troubles mentaux, contrairement à ce que pense généralement l'opinion publique.
Les professionnels de santé qui accompagnent cette femme devraient au moins contribuer à ne pas amplifier cette idéalisme et ne pas être un autre à faire taire les douleurs des femmes. Les aspects négatifs de cette période de transition existent et doivent être accueillis. Et lorsque ces aspects dépassent les limites et compromettent la qualité de vie de cette femme, elle doit suivre un traitement. Il existe des professionnels qualifiés pour cette écoute et ce regard, et le travail en équipe est essentiel.
Au contraire, malheureusement, certaines doulas, obstétriciens, infirmières, physiothérapeutes et pédiatres ont une fausse conception selon laquelle, pendant la grossesse, la femme est plus « protégée » des maladies psychologiques. D'autres prescrivent des antidépresseurs et des tranquillisants sans être spécialistes et sans pouvoir poser un diagnostic approprié et assurer un suivi adéquat. D'autres encore sont uniquement concentrés sur le bébé, oubliant à quel point la santé physique et mentale de l'enfant dépend de celle de la mère.
Vous, en tant que professionnel qui accompagne des femmes enceintes, devez être attentif aux signes de maladies mentales, qui sont plus difficiles à percevoir car les symptômes normaux de la grossesse peuvent facilement être confondus avec ceux de la dépression. Il est essentiel d'orienter la femme enceinte dès que possible vers un suivi psychologique et psychiatrique afin qu'elle puisse recevoir une évaluation et un traitement appropriés.